La Pergola, un marqueur unique de la période Art Déco niçoise
À la découverte de la richesse architecturale du quartier…
C’est un peu la star des immeubles du quartier des Musiciens : situé au numéro 36 de la rue Verdi, à l’angle de la rue Guiglia, il a été construit en 1926 et son style est unique.
Tout d’abord, un peu d’histoire : dans la période de l’entre-deux guerres (1919-1939), Les Musiciens est un quartier qui constitue la ville « moderne » de Nice. Celle-ci est en pleine expansion, avec le plan mis en place dans le cadre du Comité Cornudet. Pour mémoire, la loi Cornudet du 14 mars 1919 ordonne en effet aux villes de plus de 10 000 habitants d’établir dans les trois ans un projet d’aménagement, d’embellissement et d’extension. Ce plan, une fois déclaré d’utilité publique par le Conseil d’État, est alors devenu la référence obligée pour tous les travaux publics et privés. La loi visait avant tout la reconstruction des villes détruites du Nord et de l’Est du pays mais s’appliquera très vite à Nice, dont l’extension est imposée par la croissance de la population, avec l’arrivée du chemin de fer à Nice qui a facilité l’accès à la Riviera pour une riche clientèle étrangère. Rappelons que la gare a été mise en service dès 1865. Le plan Cornudet a été appliqué jusqu’à l’entrée en vigueur du plan d’urbanisme directeur de la ville en 1962 : il a donc profondément marqué l’histoire de la cité. Cette effervescence architecturale voit au même moment l’Art Déco s’épanouir à Nice, un mouvement artistique né autour de 1910. C’est le premier mouvement d’architecture-décoration de portée mondiale : le style Art déco tire son nom de l’Exposition internationale des arts décoratifs et industriels modernes qui se tint à Paris en 1925.
Construction protégée au titre du PLU de Nice, La Pergola est bâti en 1925 (même si il n’est recensé qu’à partir de 1926 dans l’annuaire de la ville). Son architecte est Charles Dalmas, diplômé de l’École nationale des Beaux-Arts de Paris et qui enseigna d’ailleurs à l’École des Arts Décoratifs de Nice. Durant sa longue carrière, Dalmas réalise près d’une centaine d’immeubles, principalement à Nice, et travaille sur d’importants programmes hôteliers de prestige (Hermitage, Ruhl, Carlton, Miramar, Palais de la Méditerranée, etc.). Il devient ainsi l’un des architectes les plus réputés de son époque.
La Pergola, dont le maître d’œuvre fut un certain monsieur De la Tour (qui possédait auparavant une maison sur le terrain de la construction), est un donc éclatant exemple du courant ornemental Art Déco. L’immeuble – l’un des derniers peints en totalité à fresque à Nice pour la période Art déco – est unique aussi par la richesse des matériaux, des couleurs et des techniques qui ont été utilisées pour sa construction. Il établit aussi un lien direct entre les techniques de la fresque, celle du sgraffite issu d’une tradition venue d’Italie.
Ravalé en 2016, La Pergola sort d’une chrysalide de crépis beige qui masquait depuis plusieurs années la singularité de ses façades. A l’origine, celles-ci sont décorées de nombreux motifs floraux dessinés en engravures et très colorés. Mais au fil du temps et des ravalements, des couches de peintures ternes et uniformes ont cachés ces ornements pourtant exceptionnels, ne laissant plus deviner que les engravures. L’immeuble révèle alors son étonnant décor, qui sera scrupuleusement restitué à neuf. Le décapage a ainsi permis de mettre à jour une composition qui couvre l’ensemble de la façade : enduits traditionnels à la chaux représentant une pergola (d’où le nom du bâtiment) à teinte aubergine, fleurs jaunes cernées de noirs, grand feuillage vert, fond bleu rehaussé d’or sur un fond ocre jaune soutenu. La nuit, les étoiles en feuille d’or de la façade scintillent !On remarque aussi les techniques alors dites « modernes », du béton coloré et de la céramique. Et sans oublier le fronton de l’entrée de l’immeuble, en tesselles de céramique vernis, ou encore au 1er étage les noms de rues Verdi et Guiglia réalisés dans la même technique. On notera enfin les ferronneries aux motifs floraux avec des dessins différents d’étage en étage, ce qui est considéré comme assez rare. La rénovation a été menée par l’entreprise AD Affresco, spécialisée dans le patrimoine, qui sera reconnue Geste d’Or Métiers au Salon International du Patrimoine en 2017 pour cette réalisation. Pas étonnant que la Pergola soit l’un des immeubles les plus photographiés par les touristes et les amateurs d’architecture ! Il fait lui aussi partie du très riche et diversifié patrimoine architectural du quartier des Musiciens. Plus à ce sujet ici.